Mada en toutes lettres
Créé dans le sillage d’un magazine gratuit, No Comment Éditions a publié six titres en un an et demi. Fiction, humour, photo…Tous ont la Grande Île comme point commun.
Après la France et Madagascar, l’île Maurice ! no comment® éditions a profité du salon du livre Confluences, début mars à Port-Louis, pour nouer un partenariat avec un diffuseur local et épingler un troi sième pays sur la mappemonde de ses ventes. Un petit pas dans l’océan Indien, mais une nouvelle étape significative dans cette aventure éditoriale née en 2010, à Antananarivo, sous la forme d’un magazine gratuit, no comment®. Lancé par Michael Landriu, un Français installé à Madagascar, ce mensuel de poche de près de 200 pages est aujourd’hui tiré à 24 500 exemplaires.
Derrière son stand où s’empilent les volumes des six ouvrages publiés depuis novembre 2011, Alexis Villain, ex-rédacteur en chef du magazine, revient sur les origines de la maison d’édition : « no comment® avait vocation à promouvoir la culture malgache, la musique, la danse, la photo… Et puis on s’est rendu compte qu’on parlait très peu de littérature, car les romans édités chaque année à Madagascar se comptent sur les doigts d’une main. » La nature ayant horreur du vide, no comment® pouvait accoucher de no comment® éditions.
Les premiers livres s’inspirent des chroniques du mensuel. Ainsi de Madagascar : guide de survie, de l’humoriste malgache Christodule, qui croque les bizarreries de l’île. « C’est notre best-seller, on en a vendu 1 800 exemplaires à Mada », se félicite Alexis Villain, désormais directeur éditorial de la maison. Ce Français de 31 ans est l’auteur du deuxième titre paru, Le vieux mangeur de temps, un recueil de nouvelles qui prolonge, lui aussi, une rubrique du magazine. « Ce sont de belles histoires qui tournent mal, résume-t-il. Pour restituer la poésie et la dureté de l’île. »
Côté finances, no comment® éditions reste dépendant du magazine – et donc de la publicité. « On ne gagne pas un rond », reconnaît Alexis Villain. Lui-même a « un autre boulot » à Paris pour s’assurer un salaire. À Tana, l’équipe du magazine (marketing, secrétariat, etc.) est donc sollicitée, tout comme son réseau de distribution : commerces, bars, hôtels… soit une cinquantaine de lieux de vente, dont quatorze librairies.
CONTRASTE. Mais tout n’est pas facile. « Pour le marché local, on a recours à un imprimeur malgache. L’encre comme le papier sont importés, si bien que le coût est plus élevé qu’en France pour une qualité moindre », précise Alexis Villain en s’emparant de deux exemplaires d’Il était une femme…, de Pierrot Men – une pointure de la photographie malgache. Sur celui réalisé à Madagascar, les clichés ont en effet quelque peu perdu de leur contraste.
La maison d’édition a donc renoncé à fabriquer sur place son dernier-né : la première monographie photographique de Rijasolo. Ce dernier confie avoir été « séduit » par le fait que no comment® éditions mette en avant des travaux d’auteurs « sans chercher à tout prix le bon coup commercial ». « Je trouve intéressant qu’ils prennent ce risque financier dans un pays où la demande pour ce type d’ouvrages est pratiquement inexistante », témoigne le photographe. Reste que les fondateurs de no comment® éditions se défendent d’être investis d’une quelconque mission. « On fait ce qu’on aime dans un pays qu’on aime, et on espère que ce sera payant un jour », affirme, terre à terre, le directeur éditorial. Par ailleurs, la démarche interculturelle prend le pas sur toute préférence nationale. Le catalogue compte ainsi trois Malgaches, deux Français, un Belge… et bientôt un Mauricien, dont ce sera le premier roman. Quoi de mieux pour transformer l’essai dans la petite île voisine ?
Par Fabien Mollon, envoyé spécial de Jeune Afrique à Port-Louis
Paru dans Jeune Afrique n° 2727 le 14 avril 2013
Afficher l’article au format pdf